Mobilité sociale au 20e siècle en Suisse : entre démocratisation de la formation et reproduction des inégalités de classe

N°5, Mai 2016
Julie Falcon (Université de Lausanne),

May 16, 2016
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J. Falcon (2016). Mobilité sociale au 20e siècle en Suisse : entre démocratisation de la formation et reproduction des inégalités de classe. Social Change in Switzerland, N°5. doi:10.22019/SC-2016-00003

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Résumé

Nous analysons l'évolution de la mobilité sociale – le fait de changer de milieu social par rapport à son milieu social d'origine – à la lumière des évolutions sociétales qui ont caractérisées la Suisse au cours du 20ème siècle. Nos analyses révèlent tout d'abord que les taux de mobilité sociale sont restés extrêmement stables au cours de la période étudiée. Ensuite, elles mettent en évidence que le milieu social continue d'avoir une influence considérable sur la destinée sociale des individus. Cela s'explique notamment par le fait que l'accès aux différents niveaux d’éducation demeure fortement stratifié en fonction de l'origine sociale. Ainsi, si un diplôme universitaire est devenu plus important pour accéder à la classe moyenne supérieure, ce sont les personnes issues de la classe moyenne supérieure qui accèdent en plus grand nombre aux études universitaires. Notre étude révèle par ailleurs qu'à même niveau d'éducation, les chances d'accéder à la classe moyenne supérieure sont considérablement plus élevées pour les personnes elles-mêmes issues de la classe moyenne supérieure. Ces observations nous amènent à conclure qu'au cours du 20 ème siècle les inégalités entre les différentes classes sociales en Suisse, loin de s’être affaiblies ou d’avoir disparu, se sont maintenues.


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Introduction

Au cours du 20 ème siècle, la société suisse s’est considérablement transformée, notamment grâce à la démocratisation de l’accès à l’éducation, à la tertiarisation du marché du travail et à l’égalisation des conditions entre les hommes et les femmes. Les individus ont ainsi pu plus facilement s’affranchir des déterminismes sociaux, étant donné que de nouvelles opportunités se présentaient à eux. L’influence des caractéristiques liées à la naissance telles que le milieu social, le sexe, et l’origine ethnique sur la destinée sociale devrait donc avoir diminué. En particulier, les chances de mobilité sociale inter-générationnelle, c’est-à-dire le fait de pouvoir changer de milieu social par rapport à son milieu social d’origine, devraient avoir augmenté.

Selon la théorie de la modernisation (Kerr et al. 1960), avec le développement de l’industrialisation, les sociétés occidentales seraient devenues méritocratiques et donc caractérisées par des taux de mobilité sociale élevés. La réussite sociale serait due non plus à des avantages hérités à la naissance, mais à des caractéristiques acquises, telles que le niveau d’étude (Becker 1964). Par conséquent, les déterminismes sociaux et les clivages entre les différentes classes sociales devraient avoir disparu dans les sociétés occidentales (Beck 1992).

Les nombreuses études menées sur ces questions au niveau international soulignent néanmoins que dans l’ensemble, il n’y a pas eu depuis le début du XXe siècle d’augmentation majeure de la mobilité sociale dans la plupart des sociétés occidentales (Breen 2004; Erikson et Goldthorpe 1992). L’accès inégal à l’éducation en fonction du milieu social constitue généralement le principal obstacle à l’égalisation des chances entre les individus, puisque le niveau d’étude d’une personne dépend toujours sensiblement de son milieu social d’origine (Breen et al. 2009). Les recherches récentes menées en Suisse corroborent également ces tendances (Falcon 2012, 2013; Falcon et Joye 2015; Jacot 2013; Jann et Combet 2012; Jann et Seiler 2014; Meyer 2009).

Cette étude vise à décrire d’abord l’évolution de la mobilité sociale en Suisse afin de déterminer si, depuis le début du 20ème siècle, le poids de la classe sociale sur la destinée sociale s’est affaibli. Ensuite, nous nous intéresserons aux effets de la tertiarisation du marché du travail et de l’expansion du système éducatif sur les destinées sociales et scolaires, afin d’évaluer si les nouvelles opportunités créées ont profité à l’ensemble de la population. Enfin, nous chercherons à savoir si l’emprise de l’origine sociale, c’est-à-dire d’un avantage non-méritocratique puisqu’hérité à la naissance, s’efface au profit d’un avantage reconnu comme méritocratique : le niveau d’étude. Avant cela nous présenterons la manière dont nous avons construit les données et les indicateurs utilisés.

Méthodologie : construction des données et des indicateurs

Pour capter les évolutions qui ont caractérisé la Suisse depuis le début du 20 ème siècle, nous avons utilisé 21 enquêtes collectées entre 1972 et 2013 et représentatives de la population suisse (voir le tableau A.1 en annexe). Elles contiennent chacune des informations détaillées sur le milieu social d’origine du répondant (mesuré par la profession du père du répondant lorsque ce dernier avait environ 15 ans), son niveau d’étude et sa profession au moment de l’enquête [1].

Ces données ont été ensuite agrégées ensemble, puis divisées en cinq cohortes [2]: 1908-1934; 1935-1944; 1945-1954; 1955-1964; 1965-1978. Cette méthode, courante dans l’analyse de la mobilité sociale, permet ainsi de saisir le changement social à travers l’expérience et le renouvellement des cohortes. Au final, les données que nous avons construites contiennent 17’104 observations, ce qui nous permet d’analyser de manière détaillée l’évolution de la mobilité sociale en Suisse depuis le début du 20 ème siècle.

Nous avons harmonisé les données afin de les rendre au maximum comparables pour garantir la qualité de nos analyses [3]. La mesure de l’origine sociale et de la position sociale du répondant ont été construites à partir de la classification socio-économique européenne (Rose et Harrison 2010) que nous avons regroupée en trois catégories: (1) la classe moyenne supérieure : elle comprend notamment les cadres, les chefs d’entreprise, les ingénieurs, les professions libérales et intellectuelles, et les enseignants ; (2) la classe intermédiaire : elle regroupe les professions intermédiaires, les petits commerçants et artisans, et les agriculteurs; (3) la classe populaire : elle désigne les employés de niveau inférieur, principalement de la vente et des services, et les ouvriers. Nous avons par ailleurs harmonisé la variable niveau d’étude (Bergman et al. 2009) que nous avons regroupé en quatre catégories: (1) études secondaires I [4]; (2) études secondaires II [5]; (3) études professionnelles supérieures [6]; (4) études universitaires et écoles polytechniques fédérales.

La mobilité sociale a-t-elle augmenté en Suisse ?

Dans le Graphique 1, nous avons calculé les taux de mobilité sociale pour chaque cohorte étudiée. Ces taux se décomposent en trois mesures : (1) l’immobilité sociale, qui désigne les personnes dont la position sociale est la même que celle de leur père ; (2) la mobilité sociale ascendante, pour les personnes ayant atteint une position sociale plus élevée que celle de leur père ; (3) la mobilité sociale descendante, pour celles ayant une position sociale plus basse que celle de leur père.

Graphique_1

On observe que, en dehors de la cohorte 1908-34 où plus de 50% de la population avait la même position sociale que son père, l’immobilité sociale s’est maintenue au cours des cohortes à un niveau relativement stable, autour des 40 %, autant pour les hommes que pour les femmes. On remarque également que sur toute la période étudiée, les taux de mobilité sociale ascendante ont constamment été plus élevés que les taux de mobilité sociale descendante. Les chances d’ascension sociale ont d’ailleurs augmenté au cours des cohortes : elles valaient 32% pour les hommes et 26% pour les femmes dans la cohorte 1908-34 et se sont stabilisées dans les cohortes suivantes autour des 40%. Enfin, on constate que le risque de déclassement social est plus élevé pour les femmes (~21%) que pour les hommes (~16%). Ce résultat s’explique notamment par le fait que la mobilité sociale des femmes est mesurée en comparant leur position sociale avec celle de leur père. En effet, les femmes sont plus nombreuses à vivre un déclassement social dans la mesure où la structure des emplois demeure, aujourd’hui encore, fortement genrée – les femmes n’exerçant pas les mêmes métiers et n’accédant pas aux mêmes positions hiérarchiques que les hommes. Ici encore, on remarque une grande stabilité des taux de mobilité sociale descendante entre les différentes cohortes.

De ce portrait synthétique des évolutions de la mobilité sociale, nous retenons donc une grande stabilité des tendances : au cours de la période étudiée, la mobilité sociale n’a pas particulièrement augmenté. En outre, l’ascension sociale concerne environ 40% de la population, le déclassement social autour de 20%, et la reproduction sociale un peu plus de 40%. Pour comprendre ces tendances, il convient de les lire à la lumière des évolutions structurelles qui ont eu lieu en Suisse depuis le début du siècle dernier.

Les changements structurels ont-ils créé de nouvelles opportunités ?

Au cours du 20ème siècle, il y a eu en Suisse, tout comme dans bon nombre de pays occidentaux, une transformation des activités économiques : alors qu’au début du siècle dernier, l’économie était dominée par la production agricole et industrielle, à partir des années 1970 l’accent se déplace vers les activités de service (Oesch 2006). Cette évolution, appelée la tertiarisation du marché du travail, a eu un impact important sur la structure des emplois en Suisse. Les chances d’accéder à des positions élevées dans la hiérarchie sociale, notamment grâce au développement des emplois d’encadrement, se sont accrues. En effet, comme on peut le voir dans le Tableau 1, les opportunités d’emploi dans la classe moyenne supérieure n’ont cessé d’augmenter au cours des cohortes étudiées. Concernant les hommes, qui étaient 27% dans la cohorte la plus ancienne à accéder à cette classe, cette proportion est passée à 50% dans la cohorte la plus récente. La même tendance s’observe pour les femmes, où ces proportions sont passées de 17% à 41%. Ces évolutions ont par conséquent créé une sorte d’aspiration vers le haut et ainsi favorisé l’accroissement des opportunités d’ascension sociale, comme nous l’avons observé pour les personnes nées pendant la première moitié du 20ème siècle. En ce sens, ces changements structurels ont ouvert de nouvelles opportunités dans la classe moyenne supérieure.

Un large spectre de la population a en effet accédé à la classe moyenne supérieure, puisqu’une part importante des diplômés du secondaire II compose cette classe (près de 35% pour les hommes et 50% pour les femmes). Autrement dit, l’accès à la classe moyenne supérieure n’est pas réservé aux seuls diplômés de l’enseignement supérieur en Suisse. Ce constat mérite toutefois d’être nuancé, et ceci pour deux raisons. Premièrement, au fil des cohortes la part des diplômés du secondaire II accédant à la classe moyenne supérieure a diminué tandis que celle des diplômés de l’enseignement supérieur a augmenté. Ainsi, dans la cohorte 1965-78, il ne restait plus que 21% des hommes et 34% des femmes dans la classe moyenne supérieure qui détenaient un diplôme du secondaire II. A l’inverse, 78% des hommes et 64% des femmes qui composaient cette classe détenaient un diplôme de l’enseignement supérieur. Deuxièmement, la représentation importante des diplômés du secondaire II dans la classe moyenne supérieure s’explique principalement par la structure du système éducatif suisse, caractérisée par l’importance de la formation duale (apprentissage) au secondaire II et un moindre poids du niveau tertiaire. Autrement dit, si les diplômés du secondaire II ont pu accéder en si grand nombre à la classe moyenne supérieure, c’est parce qu’il n’y avait pas assez de diplômés de l’enseignement supérieur pour répondre à la demande sur le marché du travail. Cela nous amène donc à nous intéresser à la question de l’expansion du système éducatif et de sa démocratisation.

Tableau_1

L’accès à l’éducation s’est-il démocratisé ?

Comme la majorité des pays occidentaux, la Suisse a réformé durant la deuxième moitié du 20ème siècle son système éducatif afin de permettre à une part plus importante de la population d’accéder à des niveaux de formation autrefois réservés à une petite élite (Buchmann et al. 2007). Comme on peut le voir dans le Tableau 2, l’accès aux études secondaires II et tertiaires a considérablement augmenté au cours des cohortes : dans la cohorte 1965-78, 19% des hommes et 14% des femmes sont diplômés d’une université, et 31% des hommes et 21% des femmes le sont de l’enseignement professionnel supérieur. À titre de comparaison, dans la cohorte 1908-34, ces proportions valaient 8% et 3% pour les études universitaires et 8% et 6% pour l’enseignement professionnel supérieur. Dans le même intervalle de temps, la part de la population n’ayant pas dépassé le niveau secondaire I n’a cessé de baisser. Quant aux études secondaires II, bien qu’elles demeurent prépondérantes en Suisse, elles amorcent une baisse dans la cohorte la plus récente.

Ainsi, si les chances d’accéder aux études supérieures ont augmenté au fil des cohortes, on peut se demander si ces nouvelles opportunités ont profité à l’ensemble de la population ou uniquement à certaines catégories sociales ? Pour répondre à cette question, nous avons reporté, toujours dans le Tableau 2, l’évolution des chances d’accès à chaque niveau d’étude en fonction de l’origine sociale. A la lecture des pourcentages, on s’aperçoit que le milieu social d’origine a une influence considérable sur l’accès à l’éducation : les personnes issues de la classe moyenne supérieure ont les chances d’accès aux études universitaires les plus élevées, tandis que celles issues des classes intermédiaire et populaire sont surreprésentées dans la filière d’études du secondaire II. D’ailleurs, on constate que l’augmentation du nombre de diplômés d’études universitaire dans la population totale a profité en priorité aux personnes les plus privilégiées de la société : dans la cohorte 1965-78, 39% des hommes et 29% des femmes issus de la classe moyenne supérieure ont obtenu un diplôme universitaire, contre seulement 14% et 11% pour la classe intermédiaire, ainsi que 9% et 5% pour la classe populaire. En comparaison, les différences entre milieux sociaux dans la filière d’études professionnelles supérieures sont sensiblement moins marquées, puisque dans ce type d’études la mixité sociale est assez élevée.

En somme, la démocratisation du système éducatif suisse a été bien relative. Si l’accès aux études supérieures a augmenté, cela a profité en premier lieu aux classes les plus favorisées. Ainsi, étant donné que le fait de posséder un diplôme du supérieur est devenu plus important pour accéder aux positions sociales les plus élevées, et que ce sont les personnes issues de la classe moyenne supérieure qui ont accédé en plus grand nombre aux études supérieures, le milieu social d’origine continue d’avoir une influence importante sur la destinée sociale des individus. Dans ce contexte, on peut se demander si la réussite sociale dépend bien uniquement de la réussite scolaire.

Tableau_2

A même niveau d’étude, des chances de réussite sociale égales ?

Dans un système méritocratique « idéal », les chances de réussite sociale devraient être les mêmes pour tous les individus, indépendamment du milieu social d’origine : par exemple, les chances de devenir cadre devraient être identiques pour un fils de cadre et pour un fils d’ouvrier. Si l’on considère que la méritocratie est garantie par l’institution scolaire, qui a pour mission de sélectionner les individus en fonction de leurs « mérites » et « talents », alors les chances d’accéder à telle position sociale devraient être les mêmes parmi les diplômés d’un même niveau d’étude, quel que soit leur milieu social d’origine.

Dans le Graphique 2, nous avons reporté, pour la cohorte 1955-1978, le pourcentage d’individus accédant à la classe moyenne supérieure en fonction de leur niveau d’étude et de leur origine sociale. On s’aperçoit que, même s’il est vrai que le diplôme conditionne fortement la position occupée dans la société, à niveau d’étude égal l’origine sociale continue d’avoir une influence sur la réussite sociale. En effet, alors que moins de 10 % des personnes issues des classes intermédiaires et populaires ayant un niveau d’étude du secondaire I accèdent à la classe moyenne supérieure, cette proportion s’élève à plus de 15 % pour celles issues de la classe moyenne supérieure. L’avantage des personnes issues de la classe moyenne supérieure est encore plus marqué parmi les diplômés du secondaire II et du professionnel supérieur : si 25% des hommes diplômés du secondaire II issus des classes intermédiaire et populaire accèdent à la classe moyenne supérieure, cette proportion s’élève à 43% pour les hommes issus de la classe moyenne supérieure. Pour les diplômés du professionnel supérieur, près de 78% des hommes issus de la classe moyenne supérieure accèdent eux-mêmes à la classe moyenne supérieure, contre moins de 65% pour les hommes issus d’un autre milieu social. Les mêmes tendances s’observent également chez les femmes, dans des proportions toutefois légèrement inférieures. Parmi les diplômés de l’université, la persistance de l’influence du milieu social d’origine sur la réussite sociale est plus faible : les personnes issues de la classe intermédiaire ont des chances semblables d’accéder à la classe moyenne supérieure que celles issues de la classe moyenne supérieure. Néanmoins, les rares personnes issues de la classe populaire ayant réussi à obtenir un diplôme universitaire ont en moyenne des chances plus faibles – de l’ordre de 5 points de pourcentage – d’atteindre la classe moyenne supérieure.

Graphique_2

Ainsi, le diplôme ne garantit pas à lui seul la réussite sociale. A même niveau d’étude, l’origine sociale continue d’exercer une influence non négligeable sur les chances d’accéder aux meilleures positions sociales. Nos données ne nous permettent malheureusement pas d’aller plus loin pour expliquer cette inégale distribution des chances de réussite sociale. Ces inégalités pourraient résulter de différentes stratégies éducatives ou différentes dotations en ressources économiques (capital financier de départ), culturelles (savoir-faire et savoir être) ou sociales (réseau de contacts).

Conclusion : tout a changé pour ne rien changer

En dépit des nombreux changements structurels qui ont modifié la Suisse depuis le début du 20ème siècle, les hiérarchies sociales n’ont pas été substantiellement altérées. Si la tertiarisation du marché du travail a permis à une part importante de la population d’accéder à la classe moyenne supérieure, nos analyses dévoilent que le milieu social d’origine continue à avoir une influence majeure sur la destinée sociale des individus. L’influence de l’origine sociale se manifeste de manière indirecte, à travers le rôle joué par l’éducation, dans le processus de transmission intergénérationnelle : alors que le fait de posséder un diplôme de l’enseignement supérieur est devenu de plus en plus important pour être recruté dans la classe moyenne supérieure, l’accès à ces diplômes s’est davantage diffusé parmi les personnes issues de la classe moyenne supérieure. Parmi les diplômés d’un même niveau d’étude, l’origine sociale continue à avoir une influence sur la réussite sociale. Ainsi, à niveau d’étude équivalent, les personnes issues de la classe moyenne supérieure ont de meilleures chances d’accéder elles-mêmes à la classe moyenne supérieure que les personnes issues d’une autre classe sociale. Enfin, nos analyses ont montré que les taux de mobilité sociale sont restés relativement stables au cours de la période étudiée. Ces résultats s’expliquent notamment par le fait que les changements structurels n’ont pas remis en cause les hiérarchies sociales.

Ainsi, depuis le début du 20ème siècle la mobilité sociale dans la société suisse n’a pas augmenté. Les barrières à la mobilité sociale dans le pays demeurent importantes et le destin social des habitants de la Suisse reste fortement conditionné par leur origine sociale. Cela nous amène à conclure que, au cours de 20ème siècle en Suisse, les inégalités entre les différentes classes sociales, loin de s’être affaiblies ou d’avoir disparu, se sont maintenues.

 

 

[1]Nous ne prenons pas en compte la situation de la mère pour des raisons théoriques et pratiques: les mères des cohortes étudiées étaient généralement faiblement intégrées sur marché du travail, et les enquêtes que nous utilisons ne contiennent pas toutes des indicateurs sur la profession ou le niveau d’éducation de la mère du répondant.

[2]Nos analyses se limitent aux personnes âgées entre 35 et 64 ans au moment de l’enquête, et, pour les femmes, nous analysons uniquement celles qui étaient actives au moment de l’enquête. Nous avons regroupé dans la cohorte la plus ancienne (1908-34) un éventail large d’années de naissance simplement pour des raisons techniques, puisqu’un découpage plus fin ne nous offrait pas une taille d’échantillon satisfaisante.

[3]Pour plus de détails sur cette étape et sur les éventuels biais liés à cette approche voir le Chapitre 4 dans Falcon 2013.

[4]Cette catégorie désigne la scolarité obligatoire.

[5]Cette catégorie regroupe les filières générales et professionnelles de l’école post-obligatoire. La filière professionnelle, comprenant les apprentissages, représente plus des trois-quarts de cette catégorie.

[6]Cette catégorie regroupe notamment les formations professionnelles supérieures avec maîtrise ou brevet fédéral, les écoles techniques ou professionnelles et les HES/HEP.

 

Annexe

Annexe

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